J’avais acheté un bilboquet d’occasion. Je m’exerçais tous les jours comme un sportif de haut niveau qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente. Très vite, le bilboquet est devenu une obsession. D’abord j’en faisais pour me détendre en revenant du boulot mais peu à peu j’ai commencé à jouer tout le temps : devant une série, quand j’allais me chercher un sandwich, en papotant avec les copains. J’y pensais beaucoup quand je n’en faisais pas. Alors je me suis dit que je pourrais l’amener au travail pour voir. Il a été accueilli comme l’un des nôtres. Les gens qui passaient à côté de mon bureau testaient le bilboquet d’abord avec curiosité voire suspicion. Bientôt, ils venaient exprès chez moi pour faire du bilboquet. Que se passait-il?
Moi, j’avais commencé à pratiquer pour oublier l’angoisse qui m’étranglait avec le covid safe ticket. L’ensemble des activités de tracing, de pass et de surveillance me minaient le moral à un point qui laissait mon entourage perplexe. Tout le monde trouvait ça parfaitement normal. Personne n’avait rien à cacher. J’étais la seule cinglée à trouver ces pratiques intrusives et violentes au point de m’en rendre malade. Le bilboquet était magique, il dénouait les nœuds et refaisait circuler l’air dans les poumons. C’était aussi ce qui arrivait au travail. Le bilboquet sauvait les âmes perdues, stressées, il réglait les soucis domestiques, consolait les deuils. Il remettait sur le droit chemin les gens perdus. C’était une thérapie que je tenais là. Le yoga, la pleine conscience et la cuisine à la vapeur peuvent aller se rhabiller. Le temps du bilboquet est venu.
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